La création du village

(Textes et recherches E. Boileau, G. Gomez, M. Teste)

 

 

 

 

 

 

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Attatba figure dans l'histoire depuis fort longtemps semble-t-il, mais elle dut y avoir une existence modeste.

 

1 - L'époque romaine

On peut penser que l'endroit a été occupé par un établissement romain grâce aux témoignages de la toponymie et aux ruines apparentes. Ibn Khaldoun, historien et sociologue arabe du 14ème siècle, signale qu'à leur arrivée dans la région, les Arabes ont trouvé des villes romaines à peu près intactes.

L'emplacement qui fut choisi pour l'installation du village était nommé par les indigènes Benian Djouhala, c'est à dire : " colline des idolâtres ". Dans cette colline, quand on a creusé pour installer les canalisations d'égouts en 1948, sont apparus de nombreux vestiges et des squelettes humains de grande taille ; il n'a pas été possible de dater leur origine, et il semble même douteux, à cause de leur taille et de leur état de conservation, qu'ils aient été romains.

D'autre part on a trouvé des silos carrés très bien conservés, ce qui indiquait déjà la vocation du pays; mais sans doute non utilisés, ils ont été oubliés. Il y avait encore un monument que l'on disait classé : un pressoir à huile, emprisonné par les racines d'un olivier coupé. Une légende circulait selon laquelle un serpent d'or était enfoui dans ces ruines.

  

 

  Vestiges de l'ancienne huilerie romaine située en plein centre du village (cliquer sur l'image)

  

 Dans le bois des Karezas (en berbère bourrelier) d'autres vestiges ont été mis au jour : grosses pierres, fûts brisés.

Au cours de l'assèchement du lac Halloulah (en berbère: pays des mauvais esprits) sont apparus des puits en pierre de taille, fûts et bases de colonnes, chapiteaux corinthiens. Ceci tendrait à prouver que le lac n'existait pas ou n'avait qu'une faible extension, et que la région était riche.

 

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2- De l'Afrique Romaine à la conquête Française.

On ne trouve nulle trace d'Attatba pendant cette longue période. Du paragraphe précédent, l'on peut seulement induire que la formation ou l'extension du lac qui a si longtemps conditionné la vie de la région, n'a d'autre origine que les troubles et l'incurie dus aux invasions des Vandales (422-477) chassés par les Byzantins, puis les Arabes (VIIe et VIIIes.). On sait que toute la Mitidja était soumise à des razzias continuelles sous les dominations arabes puis turques.

 

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3- La création du village.

Vers 1830, c'était une région décimée à cause de la proximité du lac Halloulah : " Le pays de la fièvre " disait-on. Là vivaient cependant plusieurs tribus :

- Les Hattabs, tribu de bûcherons qui a laissé son nom en héritage au village ;

- Les Ben Nessah, calmes, lorsqu'ils ne s'associaient pas au terribles Hadjoutes; ils vivent encore au même endroit à l'est du centre;

- Les Hadjoutes, dans le bois des Karezas, qui incendiaient et pillaient sans cesse les premiers établissements de la plaine, surtout autour de Boufarik. Dès 1833 Voirol, puis en 1835 Clauzel, s'emploient à les soumettre sans y parvenir complètement. Une famille porte encore le nom de Hadjouti.

 

 

Le pays semblait promis à un avenir incertain à cause du lac et de ses marécages où Fromentin allait en 1847 chasser la canepetière (petite outarde au collier blanc), le canard, la sarcelle, la macreuse, la bécassine, et admirer les hérons gris et les cygnes.

Si meurtrier était l'endroit qu'une légende rapporte que les moustiques avaient mis en fuite des Turcs cupides, les Osmalis, qui voulaient voler les trésors du tombeau de la Chrétienne (Koub er Roumia).

Quelques concessions de 25 hectares furent attribuées à des déportés en 1848, mais l'insalubrité empêcha leur installation ; les colons allèrent s'installer d'abord dans des endroits plus favorables.

En 1853 des Espagnols louèrent le droit de pêche dans le lac Halloula. C'est également à cette époque que le docteur Warnier acheta le domaine du Kandoury, voisin du lac et d'une superficie d'un millier d'hectares (il le cédera en 1869 à la famille Arlès-Dufour).

Au début de décembre 1858, la commission des centres proposa la création d'un village. Le Domaine possédait des terres dans la région, mais leur étendue était insuffisante. Il n'avait en particulier que les 4/18èmes de l'haouch Attatba, dont la superficie totale s'élevait à 543 hectares et devait faire l'acquisition du reste qui était indivis entre plusieurs propriétaires. Il fallait aussi occuper un haouch voisin, l'haouch Gherous d'une surface de 749 hectares, appartenant aux héritiers Lombreaux. Les propriétaires de ces deux haouchs ayant refusé de traiter à l'amiable, force fut de recouvrir à l'expropriation pour cause d'utilité publique. L'administration put disposer d'un territoire de 1.650 hectares après avoir attendu près de deux ans que les formalités furent terminées.

        Affiche annonçant l'expropriation de terres appartenant aux héritiers Loubraux (cliquer)

 

 

En mars 1860 une commission spéciale fut chargée de déterminer l'emplacement du village. Le 14 septembre 1860, le préfet, sur le rapport de la commission, adressa des propositions détaillées pour la création d'Attatba au Ministre de l'Algérie et des colonies, Chasseloup-Laubat. L'emplacement choisi, la colline de Benian Djouhala, sur le versant sud du Sahel, au bord d'une route projetée pour relier Koléa à Marengo, lui paraissait heureux; il était à la fois "sain, pourvu d'eau et de bois".

Les lots à bâtir seraient au nombre de 60 et chaque famille recevrait 13 ou 14 hectares de terres en partie cultivables. Un communal d'une contenance de 485 hectares, composé de terres impropres à la culture, était réservé pour le parcourt des troupeaux du village. Enfin à l'extrémité des concessions seraient aménagées 5 fermes d'une superficie variant entre 25 et 77 hectares.

En août 1860, le Ministre, peu satisfait de ce projet, prescrivit de le remanier et décida que 30 lots de 12 à 15 hectares chacun seraient concédés à des cultivateurs avec obligation de bâtir dans le village, que 30 hectares seraient réservés pour être concédés à de petits marchands et ouvriers d'art et que 599 hectares seraient vendus par lots de 20 à 30 hectares.

Malgré l'opposition du préfet qui déclara vouloir s'en tenir à son projet, estimant celui du ministre " peu pratique et de nature à compromettre l'avenir du nouveau centre ", le Gouverneur Général de l'Algérie, le Maréchal Pélissier, suivant l'avis exprimé par son Conseil consultatif dans sa séance du 28 août 1861, adopta les remaniements demandés par le Ministre, mais en raison des dépenses nécessitées par l'expropriation, il décida que " le territoire arabe serait vendu aux enchères publiques en 60 lots avec promesse pour chaque adjudicataire, qui s'engagerait à bâtir sur l'emplacement réservé pour les habitations, de la concession gratuite d'un lot urbain et d'un lot de jardin d'une étendue moyenne d'un peu plus d'un hectare. Les lots urbains et de jardins qui ne seraient point réclamés par les adjudicataires seraient concédés à toutes autres personnes qui en feraient la demande et justifieraient des moyens d'action suffisants pour se construire une habitation ". Cette dernière disposition avait pour but de compléter la population du village au moyen de familles d'artisans.

L'adjudication publique des lots ruraux eut lieu sous la forme réglementaire, aux enchères et à l'extinction de 3 bougies allumées successivement, le 24 octobre 1861 à Blida devant une foule de 200 personnes. Une quinzaine de lots urbains et de jardins furent attribués à des personnes n'ayant pas acquis de terres cultivables (voir plans des lots, liste des premiers concessionnaires et extrait d'acte de concession)

Ce nouveau système d'aliénation donna des résultats médiocres. Les acquéreurs furent non seulement des cultivateurs, mais encore des spéculateurs qui ne s'inquiétèrent ni de construire ni de cultiver leurs terres, lesquelles restèrent en friche dans l'intérieur même du village. Certains propriétaires n'ayant pas construit dans un délai de un an furent ainsi déchus (voir liste des premiers concessionnaires).

Le dossier administratif fut bouclé le 12 mai 1862. Le 28 août 1862 Napoléon signa le décret de la création d'un centre de population de 60 feux auquel était affecté un territoire de 1650 hectares 66 ares et 21 centiares. Ce nouveau village fut rattaché à la commune de Koléa.

 

Décret de création d'Attatba (cliquer pour agrandir)

 

Un crédit de 53.000 francs avait été affecté aux travaux d'établissement du nouveau village, mais l'administration sembla se désintéresser complètement de cette installation. C'est ce que constatait dans sa session de 1862 le Conseil général d'Alger : " Le village d'Attatba présente cet inconvénient qu'aucune des conditions indispensables pour l'installation des colons n'ayant été prise, les colons découragés ont renoncé en partie à s'installer sur leurs terres. "

C'est ce dont se plaignirent amèrement les colons de ce centre.

" L'administration en 1861, déclare l'un d'entre eux, nous a vendu très cher les terres d'Attatba (environ 80.000 francs), après avoir annoncé de différentes manières qu'elle voulait faire là un village de 60 feux, avec église, gendarmerie, écoles, etc. Par suite des affiches, annonces et autres publications sérieuses faites alors, le public devait croire que tout cela allait se terminer immédiatement. Les maisons notamment devaient être bâties dans l'année. Malgré cela, voici ce qui s'est passé : D'abord, ce qui est presque incroyable, mais ce qui cependant est vrai, c'est que les adjudicataires, qui devaient être mis en possession au plus tard dés que l'adjudication aurait été ratifiée par l'autorité supérieure, ont cependant dû attendre pendant plusieurs mois après que cette ratification eut été donnée; non seulement qu'on leur désigna les terres de culture qu'on leur avait vendues, mais encore qu'on fixa d'une manière précise sur le terrain l'emplacement même du village et, par conséquent, de leurs lots à bâtir. Les eaux n'ont été amenées au village qu'en 1863, et encore elles ont toujours été très malsaines pour l'alimentation (chaque averse amenant ses eaux bourbeuses dans les conduits de nos fontaines), et elles sont presque nulles pour l'irrigation, quoique l'administration ait publié que les 60 jardins d'environ un hectare chacun, seraient irrigables ; le tout, faute de travaux suffisants, car les sources sont abondantes dans le pays. Lors de la vente, Attatba n'avait aucune voie sérieuse de communication avec les environs ; les publications annonçaient que ce village serait traversé par la route de Coléah à Marengo, dont les travaux devaient être exécutés prochainement. Malgré cela, l'administration n'a construit alors qu'un tronçon isolé, dont l'adjudication était annoncée déjà avant la vente. Le surplus est à peine terminé, et n'a d'ailleurs été entrepris qu'à la fin de 1866, c'est-à-dire plus de cinq ans après la vente. Presque tous nos meilleurs terrains sont séparés du village par des rivières profondes sur lesquelles on devait faire des ponts ou passerelles praticables aux chariots, mais on n'y a même pas mis une seule passerelle pour les piétons, qui doivent alors forcément se mettre à l'eau, chaque fois qu'ils veulent les traverser. Non seulement l'administration n'a pas fait planter un seul arbre à Attatba, mais encore elle n'a pas même fait débroussailler la place du village et quelques chemins qui l'entourent. Quant aux travaux pour la gendarmerie, l'église, les écoles, le presbytère, ils n'ont jamais été commencés. Cependant, dés 1859, le conseil général avait voté 30.000 francs pour la gendarmerie, en proclamant, d'accord avec l'autorité préfectorale; que la construction en était urgente. Quand on a vendu Attatba, il venait même de voter les fonds nécessaires pour l'éclairage de cette gendarmerie pendant l'année 1862. Eh bien, cette gendarmerie qu'elle (l'administration) proclamait très nécessaire quand il n'y, avait que deux habitations européennes dans la contrée, elle la refuse opiniâtrement depuis, en disant que la population Attatba n'est pas assez nombreuse. Il y avait cependant, au 1er janvier 1866, dans cette contrée, 162 Européens et 1842 Musulmans. J'ajoute que tous les services judiciaires de la province sont d'ailleurs unanimes pour réclamer une gendarmerie comme indispensable à Attatba ".

C'est en 1868 que plusieurs colons demandèrent la création de la commune d'Attatba. Une enquête fut menée auprès des premiers habitants qui manifestèrent, dans leur grande majorité, leur volonté d'autonomie. Le conseil municipal de Koléa ayant donné son accord le 21 septembre 1868, le Préfet pris le 02 décembre 1869 l'arrêté créant une commune de plein exercice.

 

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4- Des débuts difficiles.

Les débuts d'Attatba ne furent pas des plus heureux. L'administration les ignorant complètement, les colons ne purent compter que sur eux même. Leur tâche fut encore compliquée par le paludisme qui régnait en maître dans cette nature sauvage où les oueds aux eaux stagnantes en été et en automne formaient de véritables foyers d'infection. C'est le paludisme dont les ravages, à cette époque étaient importants, qui valut à cette région l'appellation de " bled à fièvre ". Aussi il n'était pas rare de voir pendant ces saisons, toutes les demeures du village fermées, leurs occupants étant terrassés par la maladie. Le système routier à la disposition des colons comprenait uniquement des sentiers muletiers conduisant à Koléa et à Blida. Pour aller à Blida, il fallait traverser à gué trois oueds, ce qui contribuait à rendre très difficile les transports de toute nature (récoltes, matières premières, etc...). Une série de calamités s'abattit également sur la plaine : au début de janvier 1867 un séisme, dont l'épicentre probable était Blida, causa de nombreux dégâts ; il fut suivi peu après d'une invasion de sauterelles, de pluies diluviennes qui eurent pour conséquences la famine. Les hauts plateaux déversèrent leurs affamés ; s 'ensuivirent typhus et choléra. En 1871, 9 ans après sa fondation, ce centre ne comptait, y compris les fermes établies sur son territoire, qu'une population de 222 personnes, dont 36 étrangers. Il fallut attendre 1880 pour que le peuplement s'affirma. Vers 1890 on nota un afflux de population espagnole. En 1891, la population avait presque doublé grâce à cette arrivée, mais pour diminuer dans la suite d'une façon régulière : 306 habitants en 1901, 277 en 1911, 221 (soit le même chiffre qu'en 1871) en 1921, dont 84 Français seulement d'origine, 97 naturalisés et 40 étrangers, tous Espagnols, non compris 2.052 indigènes. Le recensement de 1926 accusa une légère augmentation européenne, 244, dont 206 Français et 38 étrangers. Un service de diligences reliait Attatba à Koléa. La piste qui conduisait à Koléa franchissait trois gués. Le village cependant végétait, dépérissait même au moment de la guerre de 1914 -1918. De France et d'Alger, des personnes plus fortunées rachetèrent les terres abandonnées et les firent gérer.

 

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5- L'essor.

Pendant longtemps, le lac Halloula, fluctuant selon la saison, rendait la région très insalubre. En 1927 le tunnel d'écoulement des eaux lacustres fut creusé sous les collines. Le projet existait depuis longtemps, mais malgré une inondation en 1899, n'avait pas été voté du fait d'un désaccord entre les riverains et l'Etat. Attatba émergea alors de ses fièvres et prit son essor.

La vigne et les caves s'installèrent et les constructions se rejoignirent, le village s'embellit.

 

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