Eugène Fromentin

(La Rochelle 1820-1876)

 

 

 

Le peintre Eugène Fromentin fit trois séjours en Algérie entre 1846 et 1853.

C'est le second, de septembre 1847 à mai 1848, qui le mènera à la chasse sur les bords du lac Halloulah et lui inspirera "Une année dans le Sahel" qu'il écrira en 1859.

 

 

Marécages de la Mitidja en 1830 : dessin de Madame Schultze, femme du Consul de Suède et de Norvège à Alger en 1830

 

 

 

Au bivouac du lac HALOULA (octobre 1852): extrait d'une année dans le Sahel

" Il était six heures. Pas une seule feuille agitée ne remuait dans l'épaisseur des taillis, où l'ombre descendait paisiblement sans être accompagnée du moindre souffle. Alors, grâce au silence absolu de cette soirée tranquille, j'entendis s'élever un bruit très singulier. Imagine un tumulte léger et bizarre de voix, de rumeurs, de soupirs mêlés à des battements d'ailes, à des clapotements d'eau remuée; une sorte de ramage et de murmure, qu'on eût pris pour la conversation de je ne sais quelle peuplade à la langue douce, assemblée je ne pouvais dire où, invisible encore, mais que nous allions surprendre.

C'est le bruit du lac, me dit Vandell. A pareille heure, on l'entend dix minutes  au moins avant de le voir.

Il se montra au moment même où nous sortions du bois, étendu devant nous dans sa plus grande largeur (une lieue à peu près), et sur une longueur incertaine, car il allait se confondre à l'ouest avec l'extrémité discernable de l'horizon, immobile comme une eau morte, parfaitement pur comme un miroir où se répétaient exactitude les rougeurs magnifiques du couchant, couvert enfin, - là était le spectacle, - d'un peuple innombrable d'oiseaux.

Tous ces oiseaux, les uns connus, les autres inconnus, tous divisés par espèces, chacune avec ses habitudes, son logis, son cri, son chant, ses mours et son territoire, toute cette population étrange faisait ses dispositions pour la nuit. J'en distinguais des légions succédant à des légions établies au centre des grandes eaux, de manière à figurer, par une multitude de points obscurs, une sorte de végétation aquatique comparable à des près flottants sur un marais...

.... un moment après, le bruit cessa, et le lac lui-même disparut dans la brume.

La nuit tombait. A quelque cent mètres de nous, un peu sur la droite et presque au pied du Tombeau de la Chrétienne, j'apercevais un petit tertre planté de cinq gros oliviers et des feux qui commençaient à flamber parmi les arbres : c'était le bivouac. "

 

Il ne remettra les pieds sur la terre d'Afrique qu'en 1859 pour un voyage en Egypte, mais toute sa vie il peindra principalement les chevaux et l'Orient. 

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