Le Kandoury et le Saint-Simonisme

 

 

 

Si plusieurs grands domaines se sont constitués sur la commune  d'Attatba, nous nous attacherons seulement à l'un d'entre eux qui connut de grosses difficultés à devenir viable, mais qui offrit de surcroît la particularité d'avoir été une création saint-simonienne.

 

Le domaine du Kandoury

 

1853 : le chirurgien Auguste Warnier achète le domaine du Kandoury, voisin du lac Halloulah, d'une superficie de 1000 hectares ; quelques années plus tard, il y adjoint celui de Ben-Koucha de 600 hectares.

Ces deux domaines étaient désolés par les fièvres et Warnier dut d'abord assainir la région (voir lettres aux autorités). Il calculait en 1861 qu'il avait dépensé, outre les produits des domaines, une somme de 180.000 francs. Mais il y avait fait vivre une centaine de familles indigènes, rendu le pays moins insalubre et fondé une remarquable exploitation agricole.

Découragé par les énormes difficultés communes au démarrage de ces exploitations, et plus intéressé par la politique, dont la révolution de 1848 l'avait écarté, il revend ses domaines.

1869 : Monsieur Arlès-Dufour père, riche négociant en soies de Lyon et ami proche d'Enfantin, achète les deux domaines pour son fils Armand pour un million de francs. Celui-ci a épousé  la soeur de Henri Duveyrier explorateur du sud algérien.

Armand Arlès-Dufour exploite ses terres scientifiquement : il emploie le premier labourage à vapeur et introduit dans le pays l'élevage des chevaux anglo-barbes.

En 1891, il sera décoré de l'ordre de Chevalier de la Légion d'Honneur ; mais la même année, ces projets grandioses qui ont englouti la fortune du père et nécessité des emprunts amènent une mise sous séquestre et des surveillants imposés par le Crédit Foncier.

1893 : le déclin s'accentue ; Armand Arlès-Dufour doit accepter une pension viagère de 4.000 francs contre l'abandon de ses propriétés. Il meurt ruiné en 1905.

Le domaine du Kandoury est alors acheté par la famille Dromigny dont un des membres s'illustrera comme député tandis qu'une fille épousera le sculpteur Gaudissart auteur du monument de Sidi-Ferruch.

Vers 1934 le domaine est acheté par la famille Germain ; Monsieur Mario Faivre, petit-fils d'Auguste Germain l'exploitera de 1946 jusqu'en 1962.

On retrouve une certaine organisation collectiviste : habitations pour le directeur et pour les ouvriers ; bâtiments de ferme et ateliers nécessaires, dispensaire, école et même mosquée. Mais ce n'est pas le système d'association Saint-Simonien ; le seul essai réel dans ce sens et de courte durée, eut lieu à Saint-Denis du Sig dans la région d'Oran, et fut une oeuvre fouriériste.

  

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Le Saint-Simonisme

 

On soupçonne rarement combien la colonisation fut inspirée par les doctrines saint-simoniennes. Cette philosophie imprègne de nombreuses personnalités dès 1830, jusqu'aux banquiers de Napoléon III. Elle inspirera souvent les plans d'installation des colons (du latin colere : cultiver mais aussi habiter), et la création de nombreux villages, de la banque algérienne, des chemins de fer, des compagnies minières ....

Le comte Claude-Henri de Saint-Simon (1760-1825) élève de Condorcet et peut-être de d'Alembert , compagnon de Lafayette, économiste et philosophe, prône un associationnisme qu'il nomme " industrialisme " au sens du XVIIIe siècle qui s'est conservé dans " industrieux ".

Les « industriels » sont les producteurs : savants, banquiers, négociants, industriels (au sens d'aujourd'hui), cultivateurs, manouvriers. Cette philosophie, conserve la notion de propriété privée.

 

CONDORCET

a pour élève :

SAINT-SIMON

qui a comme secrétaire :

Auguste COMTE

qui est le répétiteur de :

LAMORICIERE

élève à Polytechnique

 

Ses continuateurs seront Bazard et surtout Enfantin (1806-1864), lui aussi polytechnicien ; bien qu'ayant transformé la doctrine en religion -ce qui provoque un schisme-, ce dernier poursuit dans la même voie. Son credo, c'est le progrès par l'association industrielle, mais la forme est déjà plus collectiviste.

Quand, en 1832, Enfantin est emprisonné pour association illicite et atteinte aux moeurs par le ministre Casimir Périer, le " Couvent " se disperse ; certains rejoignent Charles Fourier qui, trois ans plus tôt, avait été méchamment éconduit. Son groupe quitte à pied Paris pour Lyon où il est accueilli par des notables, industriels ou commerçants, dont Arlès-Dufour qui commerce dans la soie. A partir de ce moment, on passe de la théorie à la pratique. Le groupe continue d'essaimer dans le Midi, et en Algérie.

Enfantin, relaxé, part pour l'Egypte afin d'y construire un barrage et y creuser un canal ; Lesseps l'y rencontrera. Il y créera un lycée technique ; il sera aussi le premier à avoir une vision exacte du rôle des chemins de fer. Tout au long de ces années, Enfantin correspond avec Arlès-Dufour qui lui proposera une place quand il sera obligé de rentrer en France.

Fourier traitera ces saint-simoniens, de la deuxième génération, de " secte " alors que appliquant une sorte de communisme religieux, méprisant la richesse, ils finiront tous dans la misère.

Charles Duveyrier " poète de Dieu " s'improvisera architecte de la " Cité de Dieu " redessinant une capitale nouvelle et son fils Henri explorera le Sahara.

Au moment où les avis divergent sur le tout nouveau problème algérien, où les programmes foisonnent, Enfantin publie un gros livre sur la colonisation de l'Algérie, résultat d'une mission officielle en 1839-1840. Comparant la propriété française, individuelle, à la propriété arabe, collective, il préconise l'installation de cultivateurs regroupés en villages associatifs en commençant par des colonies militaires. Ce qu'on retrouvera en partie avec Bugeaud à partir de 1840, (alors que c'est Cavaignac qui a la sympathie d'Enfantin). C'est une propriété collective, inspirée aussi par le « fondus » romain, un village par actions, mais à bail, non renouvelé si la part n'est pas exploitée.

« La fondation régulière d'un premier village colonial est celle de l'école normale de la colonisation ; c'est là que les associations puiseraient leurs directeurs de villages, leurs chefs de ferme et d'ateliers, leurs économes. »

Il intègre les représentants des structures existantes, cheik, cadi, taleb, tout en limitant leur pouvoir, dans un système judiciaire double, ce qui préfigure les « Bureaux arabes » du Second Empire... Il est vrai qu'Ismaël Urbain avait l'oreille de Napoléon III !

On leur doit des expressions qui ont fait carrière : « l'exploitation de l'homme par l'homme » , « l'organisation du travail »...

 

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Quelques Saint-Simoniens célèbres d'Algérie

 

Poirel : architecte du grand môle d'Alger. Il reçut le Cap Ferret, 20 km de sable alors, en remerciement,

Duveyrier, Carette, Prax : explorateurs du désert,

Fournel : étude du sous-sol,

Alabot : exploitation des premières mines,

Société Générale Algérienne (Compagnie Algérienne de Banque),

Lamoricière : en plus de sa carrière militaire, création de nombreux villages autour d'Arzeu,

Antonini, Warnier, Guyon : médecins,

Marion : juge à Bône,

Des officiers de marine dont M. de Montebello et le Capitaine Marceau,

Le peintre Morelet (converti à l'Islam),

Bresnier, élève de Sylvestre de Sylvestre de Sacy et premier professeur d'Arabe,

Le naturaliste Ravergie et l'archéologue Berbrugger,

Beaufort d'Hautpoul, aide de camps du Duc d'Aumale

Le général Saint-Cyr Nugues, oncle d'Enfantin et proche du Maréchal Vallée,

Lepescheux et H. Carnot pour l'Instruction Publique,

Les banquiers Péreire et Hurbain (converti à l'Islam) secrétaire-interprète de plusieurs généraux et écouté par Napoléon III ...

 

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